Focus sur Guanajuato au Mexique pour cette journée mondiale de l’eau
Le 22 mars est la Journée mondiale de l’eau. Cette année, le forum mondial de l’eau qui regroupe les entreprises et les acteurs publics se réunit à Dakar. le forum mondial alternatif, qui réunit les ONG et les collectifs favorables au droit à l’eau et à sa gestion publique se tient dans la même ville.
Pour cette édition 2022 de la Journée mondiale de l’eau, l’ONU souhaite mettre en avant l’enjeu de l’eau souterraine. Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement, Pedro Arrojo Agudo, appelle à mettre fin à l’appropriation, à la pollution et à la surexploitation des eaux souterraines : « La surexploitation des aquifères accroît la vulnérabilité des ressources en eau potable en raison de la rareté de l’eau pendant les cycles de sécheresse, ce qui oblige souvent à s’approvisionner en eau dans des régions plus éloignées, avec une augmentation conséquente du prix. En fin de compte, cette surexploitation des aquifères compromet l’accessibilité et le caractère abordable de l’eau potable lors des cycles de sécheresse, en particulier pour les personnes qui vivent dans la pauvreté et les situations de marginalisation. »
A Guanajuato, il n’y a pas d’eau potable !
L’agence Ecodem a décidé de porter son regard sur Guanajuato au Mexique, une ville universitaire de près de 200 000 habitants à 200 km au Nord de Mexico. Ses habitants connaissent des problèmes chroniques d’accès à l’eau potable. Chaque habitant est contraint d’acheter, souvent bien cher, des bouteilles d’eau, pour ses besoins vitaux. Décryptage.
L’accaparement des sources et des nappes par les multinationales
Dans ce pays d’Amérique centrale, deuxième économie d’Amérique latine, l’eau est un problème majeur. Certaines multinationales détiennent d’immenses concessions d’eau. Entre 1995 et 2003, de nombreux Etats du Mexique, dont l’Etat Guanajuato, ont favorisé l’implication du secteur privé dans la gestion municipale de l’eau et de l’assainissement. Les industries de l’eau en bouteille et des sodas et des bières, comme Coca Cola, possèdent également d’importantes concessions. « Leurs activités entraînent une surexploitation des nappes souterraines, des pollutions et des conflits sociaux
Une consommation d’eau en bouteille pléthorique
Le Mexique détient d’ailleurs le triste record mondial de consommation d’eau en bouteille (234 litres par an et par habitant), et les conséquences sur l’environnement que cela implique. Et on estime que Mexico s’affaisse d’un centimètre par an à cause de la surexploitation de l’eau du sous-sol. » apprend-on dans une publication de Centraider. La petite hydraulique, utilisée par les agriculteurs, a fortement augmenté au Mexique. « Le nombre de puits dans l’État du Guanajuato est passé de 1 600 en 1960 à 16 500 en 1996 », écrivent des chercheurs dans un article de la Revue Territoires en mutation, paru en 2004.
Les effets des dérèglements climatiques
Les institutions de régulation n’ont semble-t-il pas encore été en mesure de régler le problème. La région subit par ailleurs les conséquences du changement climatique : une sécheresse très importante a frappé le Mexique en 2021. La sécheresse a même fait réapparaître dans la ville le temple de la Vierge et des Douleurs, une église, submergée depuis 1979. Les aquifères seraient aussi affectés par la pollution de l’eau liée à l’activité minière. « D’après la Comisión Estatal del Agua : il reste approximativement 14 ans d’eau à la ville car les barrages qui l’alimentent voient leur niveau baisser considérablement au fil des années » écrivent encore les rédacteurs de la revue Centraider.
Face à ce problème, les pouvoirs publics se mobilisent et la question de l’eau est devenu un sujet politique important. Les projets humanitaires et de coopération décentralisée se développent aussi. Ainsi, en 2018, Bordeaux métropole a aidé la collectivité mexicaine à créer un système de télémétrie du réseau d’eau potable de la ville Par Bordeaux métropole. L’ONG américaine One drop a lancé un programme de soutien au changement de comportement et renforcement du secteur de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène, ciblant 48 800 habitants, pour un montant de 14,34 millions de dollars américains. Seul hic, La Fondation Coca Cola fait partie des financeurs.
Repenser la gouvernance de l’eau
Plus que jamais, la bonne gestion de l’eau, de la ressource, de l’eau potable, de l’assainissement, passe par une maîtrise publique forte de l’approvisionnement, de la production et de la distribution d’eau potable. Cela passe aussi par un contrôle important des concessions accordés aux industriels. Mais ce n’est pas suffisant, un travail important de prise en considération du changement climatique est indispensable. Il suppose de repenser la gouvernance de l’eau, devant être gérée comme un bien commun, intégrant tous les usagers, dans un objectif de reconstitution de la qualité et de la quantité de l’eau. Il requiert aussi de reconnaître, comme l’ONU dès 2010 à l’initiative de la Bolivie, le droit à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène.
L’agence Ecodem porte ces ambitions et accompagne les associations, les entreprises et les acteurs publics qui veulent porter ces politiques.